lundi 13 février 2012

SOLEDAD

Je me promenais en plein jour avec ma sœur, sur le boulevard ; sorte d’autoroute urbaine. Il faisait beau, très beau. Nous étions non loin du lycée qui m’accueillait quotidiennement il y a déjà quelques années. Je revoyais les arbres : ils n’avaient pas changé. Sur le trottoir d’en face, de l’autre côté de la voie, une boutique attire soudainement mon attention. Elle ressemble à un de ces magasins de vieilleries, de bibelots et de trucs d’antiquaire, un genre d’atelier dans lequel on trouve souvent des objets locaux et peu intéressants, comme des tableaux des vieilles ruelles alentour que je ne saurais décrire ou peindre. C’est marrant, j’imaginais cette boutique beaucoup plus loin, près d’une église. Intrigué, je traverse et m’approche de la vitrine pour apprécier l’étalage de produits inintéressants qu’elle renferme. Brusquement et contre toute attente, mes yeux exorbités se posent sur une grosse pancarte de couleur rouge et aux lettres dorées, presque enfantines, posées sur un coffret de disques compact. Je reconnais là le nom de Soledad Bravo, cette chanteuse chilienne - je crois - qui a réalisé de sa voix magnifique une reprise poignante de l’hymne “Hasta siempre” composé par Carlos Puebla en l’honneur de je-ne-sais-plus quel personnage… Très surpris et enthousiaste comme un gamin, je vois à travers la vitre, près de l’entrée du magasin et un peu en retrait, un tableau représentant un monument familier. Curieux, je m’approche et reconnais là, instantanément, la Giralda de Séville, peinte de manière très rapprochée et pourtant, bizarrement vue depuis le haut de la rue Mateos Gago, amputée de ses commerces et ses restaurants. Non, la rue en pente encercle le sublime édifice et se colle à ses parois ornées d’une immense décoration en dentelle. À travers cette œuvre, j’ai l’impression que la place Virgen de los Reyes n’existe plus ; pire, on ne peut voir le sommet de l’imposante tour ! C’est en contemplant, fasciné, ce mélange de crayon et d’aquarelle que je me souviens enfin pour qui chantait Soledad Bravo : il s’agit d’Ernesto Guevara, le célèbre “Che” dont la figure emblématique flotte sur tant de murs. Guevara était, il me sembla alors, un des plus grands joueurs de basketball de tous les temps, choisi en 10ème position d’une draft au sein de la National Basketball Association, par une équipe dont je n’arrivais plus à me souvenir. La seule chose dont je me souvenais alors, près de cette boutique aux mille objets étranges vers laquelle ma sœur ne m’avait pas suivi, c’était la grande rivalité qu’Ernesto Guevara avait entretenue sur les parquets avec un certain Michael Jordan, qui a longtemps honoré le beau maillot rouge des Chicago Bulls. Dans cette concurrence sportive et humaine sans merci, la passion pour cette couleur, sans doute le seul intérêt commun des deux hommes.

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