lundi 27 février 2012

MAIS SURTOUT MOINS DE PARIS CONTRAIGNANTS

Ce jour-là, j’avais un test d’éducation physique et sportive à passer. L’occasion de revoir de vieilles têtes comme Monsieur P et Monsieur K (que je n’ai jamais supporté). On nous avait distribué à chacun des fiches de performance individuelle à remplir, notamment sur la course. Monsieur P s’occupait de mon évaluation. Autour de moi, des anciens de la primaire. Avant de me lancer je remarque que Monsieur P avait noté dans la case "observations" que mes oreilles changeaient de couleur. Admettons…
À la fin de mon exercice, je m’empare de la feuille et constate avec stupeur que l’infâme a noté sur sa fiche "quelques kilos en trop évidents". Je rentre alors dans une grosse colère, plein d’incompréhension. Dans un champ non-loin j’aperçois une belle Black super canon sur un caddie. Elle me paraissait célèbre. Je m’avance alors vers elle pour la prendre à témoin et lui demander si, en effet, 103 kilos représente beaucoup. Elle me répond avec un accent américain qu’elle l’ignore, et me demande combien ça fait en livres. Quelle conne… Terrifié, j’ai alors l’impression d’être monté à 200 kilos. Pour m’en assurer, une fois de retour chez moi, je regarde un match des Boston Celtics de 86 et tente alors de peser virtuellement chaque joueur pour me soustraire à la masse totale. Malheureusement, le résultat est faussé car à ce moment-là, un joueur de l’équipe adverse arrive en volant sur le terrain, depuis le plafond de l’arène.


Le soir, je terminai cette rude journée avec Monsieur K (un autre, celui-ci alcoolique), beaucoup de monde et beaucoup de boisson. Je lui racontais mes problèmes alors que tournait l’album Punk in Drublic de NOFX. Vient la piste numéro 4, une chanson appelée "The Cause". Saisissant l’occasion, Monsieur K se moque de moi et me dit qu’il y a forcément une cause à mon poids. Là-dessus et alors que j’étais devenu plus démoralisé que saoul, il me plaque au sol en se foutant de ma gueule, aux anges. Puis, ce dernier se permet des remarques sur l’odeur du frigo, ce qui me donne l'occasion d’en profiter pour lui montrer comment nettoyer chaque étage, alors qu’il me dit en ouvrant des yeux carrés « ah bon ».


Le lendemain était consacré à un moment de shopping dans la vieille ville avec Elle. Il me semblait qu’elle n’avait remarqué aucune transformation me concernant… Dans une ruelle devant nous, un couple de richards en fourrure s’arrête chez un boucher et lui achète une tête de porc. Le trophée, jauni par le temps et le sel, me rendit malade. Une envie de buter ces connards… Mais je me ressaisis et en profita pour critiquer l’incroyable étalage d’abats et de foie gras devant nous, sous les rires amoureux et attendris de ma copine. Elle s’empressa de me pousser vers un magasin de sport : avait-elle remarqué mes 125 kilos de plus ? Au détour d’un rayon je tombai sur le ballon de basket Kipsta, taille 5, que j’avais étant enfant. À se demander s’il n’avait pas été revendu et si ce n’était pas le même, vendu d’occase ! Ému comme un gosse, le sourire de ma copine eut raison de mon enthousiasme.
« Repose ça s’il te plaît… », me fit-elle gentiment. Déçu mais obéissant, je m’exécutai. Voyant mon désarroi, une pauvre employée en profita pour essayer de me vendre toute sa putain de boutique. Je la remerciai poliment plutôt que de lui en foutre une, avant de vanter à ma copine les compétences de ces vendeuses. Jusqu’à ce que, me détournant de son attention, j’aperçus une porte…
Je me retrouvai dans un endroit magnifique au bord du monde. Je le savais car je pouvais l’admirer également de là où j’étais. C’était une île plus belle que tout bien que minuscule, entourée d’une mer d’un bleu inconnu. Je pouvais alors lire sur une carte sa position, latitude et longitude, mais cela ne me renseignait pas plus. À la manière d’une boule de cristal je pouvais voir le monde depuis mon étrange sanctuaire, un monde plat comme un tapis de jeu de stratégie, et je pus même apercevoir à la loupe ce qui se passait au même moment à un endroit précis : le seul que je pus voir fut un village médiéval en ruine surplombant un gouffre et une vallée angoissante, avec un ciel violet et un semblant de château détruit par le temps. Sans doute Rocca Sparvièra, pensai-je. J’étais décidément mieux près de cet azur indescriptible après cette vision de cauchemar, mais malheureusement il fallait s’en aller.


Quelque temps après, je dinai avec mon père, ma sœur ; on recevait ce soir-là un horrible petit génie de l’informatique, aperçu au préalable dans une émission. Je me demandais ce qu’il foutait là, mais ne pouvais m’empêcher noter ses poignées d’amour et son embonpoint, sous son magnifique costume de PDG… Je n’avais strictement rien à branler de son discours de merde, tellement égocentrique et persuasif que j’avais l’impression d’être lui, ce qui n’arrangeait pas les choses… Et c’est à ce moment-là que je vis soudainement, près de la table, un peu en retrait, une boîte de Chipsters…
Dans ma tête ce fut comme un déclic : les Chipsters étaient la cause de mes problèmes. Discrètement, sous la table, j’en pris une poignée sans que personne ne me vît, puis je décidai d’arrêter. Au bout de quelques minutes, l’envie m’obligea à prendre une nouvelle poignée. Sans m’en rendre compte, je torpillai la boîte et je décidai de nouveau d’arrêter une fois le contenu vaincu. Pendant ce temps l’autre n’avait toujours pas fermé sa gueule. Le problème, c’est que j’aperçus alors une autre boîte, d’une marque repère équivalente, cette fois. Toujours à l’abri des regards j’engloutis une nouvelle boîte et avant de prendre une nouvelle décision, un autre carton de Chipsters m’apparut, dans l’ombre sous les jambes de tout le monde. Puis deux, puis trois. Des contrefaçons chinoises, des mauvaises imitations… C’en était trop ! Finalement je pris mon courage à deux mains et rassemblai toutes les boîtes de Chipsters pour m’en débarrasser ultérieurement.


Fin du repas oblige, ma sœur renvoya diplomatiquement mon père, sous prétexte qu’il baillait. Je lui proposai alors d’hériter des maudits pétales soufflés mais il refusa, visiblement énervé. Et l’autre con était toujours là, déblatérant sa merde et racontant sa vie, sur un vélo d’appartement high-tech cette fois. Voulant fuir la soirée cauchemardesque, je me mis en quête de toilettes libres après m’être longuement observé dans un miroir sale et insalubre plaqué à un carrelage. À ce moment-là, j’ai alors l’impression de parcourir des kilomètres pour trouver un endroit où pisser. Des isoloirs d’urine à perte de vue dans un long couloir blanc, large, qui n’en finirait jamais. Et pas une place de libre. Nulle part où aller. J’avançais pas à pas alors que je voyais chaque porte fermée changer de couleur : d’une à l’autre, ça passait du blanc au rouge Beaucoup étaient orange. En-dessous de chaque porte, au gré de ma recherche d’intimité désespérée je distinguais toutes sortes de pieds et de chaussures. Des bateaux, des chaussettes, des Birkenstocks qui appartenaient aux occupants provisoires de ces toilettes. Tous étaient debout car je voyais leurs pieds de dos, par le petit espace de la porte. Un Danube de talons.
Au moment où la quête se fait de plus en plus urgente, je trouve un écriteau laissé à la disposition des clients critiquant déjà le manque de sanitaires disponibles de l’établissement. C’est alors qu’une porte ouverte s’offre enfin à moi. À ma grande surprise, aucune étroitesse, aucune cuvette, juste une pièce énorme avec un tapis vermeil au sol et un lit noir aux draps on-ne-peut plus sombres posé sur une marche. Une seule fenêtre à cette pièce, et pas des moindres : elle comportait des barreaux et malgré la vue magnifique sur une forêt aride derrière, je comprends que je me trouve dans une cellule de prison. Seul problème : l’urinoir est collé juste derrière l’oreiller. C’était à n’y rien comprendre.

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