J’avais passé un moment étrange avec une de mes ex. Et un autre mec. Je me sentais mal, mais elle, extrêmement souriante, me réconforta, ainsi qu’une amie à nous, si bien que rapidement je n’y pensais plus et me demandais même si quelque chose s’était passé.
Dehors, tout était gris. Avec des reflets violets sur cette ville colorée de béton et de baies vitrées. Tout était sombre. Pesant : quelque chose allait arriver… C’est à ce moment-là que j’appris la disparition de mon chat de la surface de la Terre. Ma sœur venait de me passer un énième coup de fil pour m’annoncer la nouvelle, et ainsi je compris peu à peu ce qui nous arrivait. Et ce qui s’était produit.
Une brèche s’était ouverte dans le monde, pendant quelques secondes, quelques minutes tout au plus. Mais elles avaient dû sembler une éternité. Cette catastrophe naturelle expliquait l’atmosphère et le climat apocalyptiques que l’on pouvait ressentir à ce moment-là. J’eus des visions de notre planète s’entrouvrant dans son coin droit, comme une orange, alors qu’un angle obtus se dessinait aux trois quarts, environ. Moi, à l’intérieur, je n’avais rien ressenti, si ce n’est que le ciel s’assombrissait dangereusement et que les reflets violets sur notre quotidien devenaient vraiment inquiétants. J’imaginais alors des falaises entières s’écrouler, des vents souffler à une vitesse qu’aucun être humain ni Poséidon lui-même n’auraient pu concevoir.
Apparemment, mon chat s’était enfui de la cage dans laquelle ma sœur le transportait, posée sur la banquette arrière de la voiture. Pourquoi s’était-il échappé ? On l’ignorait, mais il avait visiblement sauté par la fenêtre du véhicule vert, s’engouffrant entre le béton et les baies vitrées, sans doute à la recherche d’une vie meilleure. Malheureusement, sa décision fut prise au mauvais moment et il se retrouva emporté par une tornade alors que le monde s’entrouvrait brièvement de manière inexplicable.
J’étais inconsolable. Au téléphone, je demandai à ma sœur s’il n’y avait pas un moyen de le localiser, grâce à une collerette électronique qu’elle lui avait posé afin de savoir où il se trouvait en permanence.
« Oui, il y a un moyen, me dit-elle. Mais là, aucun signal ne répond… ».
Je me doutais bien que jamais elle n’aurait pu imaginer que son imprévisible félin s’échappe à des années-lumière de sa cuisine, sa litière et sa gamelle.
« Soit il est mort, soit il se trouve actuellement quelque part dans l’univers », poursuivit ma sœur bizarrement impassible et résignée face à la disparition de son chat, qui était un des êtres les plus importants à ses yeux.
Puis elle enfonça le clou, comme pour faire comprendre la vérité à un enfant qui refuse de l’accepter :
« De toute façon tu sais, maintenant là où il est je ne peux plus lui faire sa piqûre… ».
Eh oui, pour couronner le tout, ce con de chat était diabétique. Je raccrochai. Les catastrophes et les vents semblaient s’être arrêtés, alors que je ne pouvais plus freiner mes pleurs. La vie reprenait son cours, comme me le prouva cet homme qui fixa un panneau publicitaire pour des puzzles, à quelques mètres de moi sur la route d’en face. Heureusement qu’Elle était là, pour sécher mes larmes…
Je me retrouvai dans son appartement pour me changer les idées. Mais je n’y parvenais pas. Il y avait ses deux nouvelles colocataires, et la décoration avait radicalement changé. Des tapis vieillots, de la dentelle sur la table, un buffet en bois sur lequel étaient posés minutieusement quelques bibelots, un fauteuil de grand-père près de la fenêtre et une tapisserie horrible aux murs. Rien de tel pour retrouver le moral. On aurait dit un appartement de style lillois. Cons de ch’tis… Malgré le chocolat chaud et les sourires faits pour me permettre de penser à autre chose, j’étais mal et ne pouvais oublier mon chat. Alors je me réfugiai derrière le premier quotidien que je trouvais à proximité pour ne pas que l’on me voie pleurer, mais au fur et à mesure de mes sanglots, mes larmes faisaient des trous dans le journal, et les yeux humides et tristes que j’essayais de cacher ses révélèrent à Elle et ses amies.
Je voulus fuir de toutes ces teintes de gris infiniment tristes qui m’encerclaient et n’en finissaient plus. En sortant de cet enfer picard, un pléonasme, je déambulai seul et me dirigeai vers un espèce de petit parc sans arbres, sans rien. On aurait dit un terrain de jeu abandonné ou une arène fantôme, pleine de sable avec sa configuration circulaire.
C’est là que je vis une des premières choses en couleur de la journée : une enseigne, entourant une petite maison à trois étages, indiquait un genre de spectacle de foire, en grosses lettres capitales rouges sur fond noir. On pouvait y voir le dessin effrayant d’un ours peu accueillant. Il y avait quelques personnes devant la vieille baraque, ce qui brisa le silence dans lequel j’avais été plongé. On m’expliqua qu’au deuxième étage vivait un ours qui apparaissait lorsqu’on l’appelait en chantant et en indiquant l’année dans laquelle on se trouvait, dans le couplet, et que seuls les plus courageux (ou les plus fous) pouvaient essayer d’invoquer l’ours qui viendrait alors les poursuivre, et qu’il faudrait fuir sous peine de laisser sa vie au bout d’une putain de grosse patte griffue. Les plus courageux ou les plus fous ? Apparemment mon interlocuteur faisait partie de cette deuxième catégorie (en plus de paraître complètement ivre) car je le vis entamer un chant incompréhensible pour défier l’horrible animal qui allait venir le chercher. Alors, complètement paniqué je m’éloignai de la maison sans pour autant la perdre de vue, curieux. J’attendais le moment où l’ours allait débarquer pour en foutre une fatale au pauvre homme qui continuait à chanter devant l’enseigne. Il annonça l’année 1974, ce qui attira mon attention. 1974 ? Espérant que le malheureux et inconscient ivrogne se soit trompé, je m’approchai en toute sécurité, convaincu que par conséquent rien ne se produirait, mais je vis pourtant sur l’entrée, à côté du dessin terrifiant de l’ours, les chiffres qui composent l’année 1974.
Que s’était-il passé avec le temps ? La brèche ouverte dans le monde avait-elle changé quelque chose ? Pensant avoir fait un saut de temps, je n’en pris pas beaucoup pour réfléchir et reculai de devant l’étrange maison, apeuré. L’homme s’était arrêté de chanter. Tout le procédé d’invocation avait pourtant été effectué : l’ours n’était toujours pas apparu. Je me rapprochai, à tâtons et prêt à m’échapper à tout moment, alors que lui se mit à interpeler son adversaire bestial en l’injuriant, rabaissant sa puissance et sa virilité. Depuis le bas de la maison, je détaillai les vieux volets de l’étage du dessus en espérant que l’animal dorme exceptionnellement et ne se pointe pas par surprise : car l’ours n’apparaitrait pas. À la fois déçu et soulagé avec un sourire de mépris à la bouche, je laissai derrière moi l’illuminé s’épuiser à hurler de colère, tapant des pieds de toutes ses forces dans l’arène sablonneuse et dans l’obscurité.
En m’éloignant, moi et mes doutes sur ce que je venais de vivre, je constatai à la sortie du parc un magnifique point de vue sur la ville. Je regardai ainsi toutes ces constructions de béton et de baies vitrées qui n’avaient pas bougé. Je pensais à mon chat. Dans ce paysage, une énorme tour en chantier attira mon regard attristé. Cette fois-ci, plus de reflets violets. Pourtant, après tout ça, le Soleil ne s’était toujours pas levé.
Dehors, tout était gris. Avec des reflets violets sur cette ville colorée de béton et de baies vitrées. Tout était sombre. Pesant : quelque chose allait arriver… C’est à ce moment-là que j’appris la disparition de mon chat de la surface de la Terre. Ma sœur venait de me passer un énième coup de fil pour m’annoncer la nouvelle, et ainsi je compris peu à peu ce qui nous arrivait. Et ce qui s’était produit.
Une brèche s’était ouverte dans le monde, pendant quelques secondes, quelques minutes tout au plus. Mais elles avaient dû sembler une éternité. Cette catastrophe naturelle expliquait l’atmosphère et le climat apocalyptiques que l’on pouvait ressentir à ce moment-là. J’eus des visions de notre planète s’entrouvrant dans son coin droit, comme une orange, alors qu’un angle obtus se dessinait aux trois quarts, environ. Moi, à l’intérieur, je n’avais rien ressenti, si ce n’est que le ciel s’assombrissait dangereusement et que les reflets violets sur notre quotidien devenaient vraiment inquiétants. J’imaginais alors des falaises entières s’écrouler, des vents souffler à une vitesse qu’aucun être humain ni Poséidon lui-même n’auraient pu concevoir.
Apparemment, mon chat s’était enfui de la cage dans laquelle ma sœur le transportait, posée sur la banquette arrière de la voiture. Pourquoi s’était-il échappé ? On l’ignorait, mais il avait visiblement sauté par la fenêtre du véhicule vert, s’engouffrant entre le béton et les baies vitrées, sans doute à la recherche d’une vie meilleure. Malheureusement, sa décision fut prise au mauvais moment et il se retrouva emporté par une tornade alors que le monde s’entrouvrait brièvement de manière inexplicable.
J’étais inconsolable. Au téléphone, je demandai à ma sœur s’il n’y avait pas un moyen de le localiser, grâce à une collerette électronique qu’elle lui avait posé afin de savoir où il se trouvait en permanence.
« Oui, il y a un moyen, me dit-elle. Mais là, aucun signal ne répond… ».
Je me doutais bien que jamais elle n’aurait pu imaginer que son imprévisible félin s’échappe à des années-lumière de sa cuisine, sa litière et sa gamelle.
« Soit il est mort, soit il se trouve actuellement quelque part dans l’univers », poursuivit ma sœur bizarrement impassible et résignée face à la disparition de son chat, qui était un des êtres les plus importants à ses yeux.
Puis elle enfonça le clou, comme pour faire comprendre la vérité à un enfant qui refuse de l’accepter :
« De toute façon tu sais, maintenant là où il est je ne peux plus lui faire sa piqûre… ».
Eh oui, pour couronner le tout, ce con de chat était diabétique. Je raccrochai. Les catastrophes et les vents semblaient s’être arrêtés, alors que je ne pouvais plus freiner mes pleurs. La vie reprenait son cours, comme me le prouva cet homme qui fixa un panneau publicitaire pour des puzzles, à quelques mètres de moi sur la route d’en face. Heureusement qu’Elle était là, pour sécher mes larmes…
Je me retrouvai dans son appartement pour me changer les idées. Mais je n’y parvenais pas. Il y avait ses deux nouvelles colocataires, et la décoration avait radicalement changé. Des tapis vieillots, de la dentelle sur la table, un buffet en bois sur lequel étaient posés minutieusement quelques bibelots, un fauteuil de grand-père près de la fenêtre et une tapisserie horrible aux murs. Rien de tel pour retrouver le moral. On aurait dit un appartement de style lillois. Cons de ch’tis… Malgré le chocolat chaud et les sourires faits pour me permettre de penser à autre chose, j’étais mal et ne pouvais oublier mon chat. Alors je me réfugiai derrière le premier quotidien que je trouvais à proximité pour ne pas que l’on me voie pleurer, mais au fur et à mesure de mes sanglots, mes larmes faisaient des trous dans le journal, et les yeux humides et tristes que j’essayais de cacher ses révélèrent à Elle et ses amies.
Je voulus fuir de toutes ces teintes de gris infiniment tristes qui m’encerclaient et n’en finissaient plus. En sortant de cet enfer picard, un pléonasme, je déambulai seul et me dirigeai vers un espèce de petit parc sans arbres, sans rien. On aurait dit un terrain de jeu abandonné ou une arène fantôme, pleine de sable avec sa configuration circulaire.
C’est là que je vis une des premières choses en couleur de la journée : une enseigne, entourant une petite maison à trois étages, indiquait un genre de spectacle de foire, en grosses lettres capitales rouges sur fond noir. On pouvait y voir le dessin effrayant d’un ours peu accueillant. Il y avait quelques personnes devant la vieille baraque, ce qui brisa le silence dans lequel j’avais été plongé. On m’expliqua qu’au deuxième étage vivait un ours qui apparaissait lorsqu’on l’appelait en chantant et en indiquant l’année dans laquelle on se trouvait, dans le couplet, et que seuls les plus courageux (ou les plus fous) pouvaient essayer d’invoquer l’ours qui viendrait alors les poursuivre, et qu’il faudrait fuir sous peine de laisser sa vie au bout d’une putain de grosse patte griffue. Les plus courageux ou les plus fous ? Apparemment mon interlocuteur faisait partie de cette deuxième catégorie (en plus de paraître complètement ivre) car je le vis entamer un chant incompréhensible pour défier l’horrible animal qui allait venir le chercher. Alors, complètement paniqué je m’éloignai de la maison sans pour autant la perdre de vue, curieux. J’attendais le moment où l’ours allait débarquer pour en foutre une fatale au pauvre homme qui continuait à chanter devant l’enseigne. Il annonça l’année 1974, ce qui attira mon attention. 1974 ? Espérant que le malheureux et inconscient ivrogne se soit trompé, je m’approchai en toute sécurité, convaincu que par conséquent rien ne se produirait, mais je vis pourtant sur l’entrée, à côté du dessin terrifiant de l’ours, les chiffres qui composent l’année 1974.
Que s’était-il passé avec le temps ? La brèche ouverte dans le monde avait-elle changé quelque chose ? Pensant avoir fait un saut de temps, je n’en pris pas beaucoup pour réfléchir et reculai de devant l’étrange maison, apeuré. L’homme s’était arrêté de chanter. Tout le procédé d’invocation avait pourtant été effectué : l’ours n’était toujours pas apparu. Je me rapprochai, à tâtons et prêt à m’échapper à tout moment, alors que lui se mit à interpeler son adversaire bestial en l’injuriant, rabaissant sa puissance et sa virilité. Depuis le bas de la maison, je détaillai les vieux volets de l’étage du dessus en espérant que l’animal dorme exceptionnellement et ne se pointe pas par surprise : car l’ours n’apparaitrait pas. À la fois déçu et soulagé avec un sourire de mépris à la bouche, je laissai derrière moi l’illuminé s’épuiser à hurler de colère, tapant des pieds de toutes ses forces dans l’arène sablonneuse et dans l’obscurité.
En m’éloignant, moi et mes doutes sur ce que je venais de vivre, je constatai à la sortie du parc un magnifique point de vue sur la ville. Je regardai ainsi toutes ces constructions de béton et de baies vitrées qui n’avaient pas bougé. Je pensais à mon chat. Dans ce paysage, une énorme tour en chantier attira mon regard attristé. Cette fois-ci, plus de reflets violets. Pourtant, après tout ça, le Soleil ne s’était toujours pas levé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire