Dans
cette pièce aux murs sombres, aux couleurs de brique calcinée, nous étions
réunis en famille. L’ambiance était à la fois pesante et détendue, au beau
milieu de la salle à manger. Il manquait cependant mon père, parti s’occuper d’une
tâche quelque peu ingrate : obtenir la confirmation de la mort de mon
grand-père, qui lui était resté parmi nous, un peu anxieux, vêtu de son
indémodable bleu de travail, dans son non moins éternel fauteuil. Les
discussions allaient bon train durant cet instant familial anodin, jusqu’à ce
que mon père réapparaisse avec une mine quelque peu préoccupée. Alors que nous
attendions le verdict, personne ne tarda à comprendre : mon vieux
grand-père devait s’en aller, et on allait venir le chercher. Ainsi il se leva
de son fauteuil, dans un mélange de déception et de résignation, presque en
haussant les épaules.
« Bon… ».
Ce
fut donc le moment que choisirent ma mère et ma sœur pour introduire le chat
dans la machine à laver. Un peu surpris, je leur demandais si ça ne risquait
rien et que ça n’allait pas l’abîmer, mais elles me répondirent que non. Alors
on le mit en marche, dans le tiroir à lessive et non directement dans la
machine. Pas longtemps, juste 30 secondes. Suffisantes pour qu’il puisse
prendre une douche et sortir de là les yeux fermés, trempé des oreilles à la
queue, humilié et dans l’incompréhension la plus totale avec son poil hérissé
et gonflé de peur et d’eau. On aurait dit un rat à fourrure grise que l’on
venait de repêcher, au bord de la noyade.
Je pense que tout cela m’affecta
énormément. Pour preuve, je ne me souviens plus des instants qui ont eu lieu
par la suite, jusqu’à ce que je me retrouve dans un bar austère du quartier où
l’on se lavait les pieds en public. Il me semblait avoir vu des chevaux, alors
que la clientèle du bistro me dérangeait fortement. Puis je sortis pour la
retrouver.
On
devait se rejoindre sur les hauteurs. En premier lieu, elle me fit une
réflexion sur l’odeur de café que je dégageais, m’expliquant qu’en été, les
relents d’expresso se sentaient beaucoup plus fortement,
etquilfallaitquejefasseattentionparcequeçapouvaitlagêner, etquecétaitpourmoiquelledisaitçaaprèstout.
À ce moment-là, une ancienne camarade de classe, de l’époque du lycée, apparut.
Elle nous demanda si nous attendions le premier jour de cours, ce à quoi nous
répondîmes en acquiesçant. Puis elle nous parla un peu. Sur le chemin abrupt en
descente, par cette journée magnifique avec toute cette verdure qui nous
surveillait discrètement, j’expliquais que j’étais en quatrième année, et que
même si elle avait près de vingt-cinq ans, dont trois printemps de plus que la
moyenne, la deuxième année qu’elle allait commencer était la période rêvée pour
ne rien branler. Et mon opinion de vétéran ne plut guère à la seconde fille qui
venait de se joindre à nous, peu enthousiaste à l’idée de débuter sa première
année.
Mais de cette journée comme les autres,
difficile à saisir, tout restait confus. Comme si rien n’aurait jamais la moindre
répercussion…