JEan-Pierre
Castaldi était devenu maire d’une petite commune désertique près d’Avignon. À
l’aide d’une échelle, il montait fièrement, au-dessus d’un bar miteux, une
enseigne au nom de la ville, homonyme d’un département du Sud de la
France : avaient rompu les accords de financement annuels certains
conseillers régionaux, et tandis qu’une forte rivalité économique avait lieu
avec le bled voisin, l’acteur se plaignait d’un énorme manque de contribution
au budget de la municipalité. Il le revendiquait vivement sur la place publique,
avec un rictus bizarre qui lui grossissait les lèvres, déformées.
Pendant
ce temps, les billets de 300 euros existaient. Castaldi, en bon vivant devant
l’éternel, tenait également un restaurant dans le patelin. Ce jour-là, sortant
tout champêtrement de sa cuisine, il allait servir quatre femmes au coin de la
salle, attablées devant une petite nappe provençale à grands carreaux bleus et
blancs : trois vieilles filles de plus de cinquante ans, vêtues comme si
elles en avaient quinze et aux cheveux décolorés, ainsi qu’une dame très âgée,
édentée et impassible, ne bougeant pas et ne disant rien. En grand seigneur,
l’ancienne gloire d’un immense succès de James Bond au cinéma leur apporta
quelques plats tous à la fois avec entrain et énergie, dont une assiette
supplémentaire de merguez :
« C’est
pour vous ouvrir l’appétit, mesdemoiselles… Et la bouche », glissa
Jean-Pierre.
Après
le tour de la commande, le tarif allait sans doute passer.
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